De la nécessité d’un nouveau Dialogue

Nous l'avons tous constaté, notre communauté affronte de multiples crises : sanitaire, sociale (Gilets Jaunes, grèves, …), sécuritaire (terrorisme, …) et démocratique (perte d’autorité des dirigeants, très faible participation aux élections, contestations systématiques, …).

L’une des causes majeures, parmi d’autres, en est la quasi-disparition des catégories politiques qui faisaient vivre, plus ou moins bien, notre démocratie depuis le seconde guerre mondiale. L’affaissement du communisme, d’un certain type de socialisme, voire de la sociale démocratie ne permet plus aux citoyens de se positionner par rapport à l’autre (citoyen, élu, dirigeant, …) et d’engager un dialogue qui puisse aboutir à un consensus, situation par situation, cas par cas (sociale, sanitaire, sécurité, ..). Chacun y va des solutions de « y a qu'à faut qu’on » et autres poncifs du café du commerce.

Ceux sont dorénavant tous les sujets qui fondent une communauté (quelle que soit sa taille) qui sont traités sur fond d’hystérie, d’affrontement violent ; la colère gagnent la rue, les médias et les forums politiques ou sociaux et sont bien sûr amplifiés par ce nouvel outil d’expression (car cela en est bien un) que sont les réseaux sociaux.

Il va donc falloir réinventer le dialogue démocratique et lui donner une nouvelle vigueur : on ne nait pas démocrate on le devient. On le devient par l’apprentissage de ce qui est l’une des formes les plus humaine de la vie en communauté, versus la domination d’un groupe sur la majorité (la dictature sous toutes ses formes : douce/démocrature, royaliste, aristocratique, …).

Y a-t-il une solution ?

Il faut que les citoyens cessent d’être de « simples consommateurs » de démocratie pour en (re-)devenir acteurs, et pas seulement le jour du vote.

Commençons par la démocratie « près des gens », autrement dit la démocratie locale (quartiers, communes, agglomérations/métropoles, départements), celle où les citoyens, sans avoir besoin d’être des experts de telle ou telle problématique (mobilité, gestion de l’eau, sécurité, …), savent ce qui va bien et ce qui va mal, et ce qui donc nécessite un débat, une co-construction démocratique.

Au-delà des travaux des chercheurs en science politique, dont les études et propositions s’adressent à un public extrêmement restreint, il est possible de définir quels pourraient être (entre autres) des axes de réappropriation du rôle de citoyen. Il faut donc, dans nos différentes communautés (quartiers, communes, agglomérations/métropoles, départements) :

  • Une éducation aux principes citoyens (engagement), démocratiques et républicains.
  • Encourager et valoriser les initiatives citoyennes
  • Rendre compréhensibles les fonctionnements et compétences des territoires et des élus
  • Renforcer la confiance à l’égard des décisions territoriales et des élus
  • Construire collectivement une culture et une pratique de la participation
  • Animer et soutenir les convivialités et les solidarités
  • Engager les citoyens dans le transition écologique

Surtout soyons concrets

Comme dit plus haut, c’est à la démocratie locale qu’il faut d’abord s’adresser, celle où les citoyens ont des intérêts quotidiens, et bien compris, à ce que la machine tourne rond. Commençons par le quartier, le village.

Plusieurs expériences déjà en cours pourraient être étendues :

  1. Commissions Participatives : Une par compétence communale. Sous la présidence d’un binôme municipal référent, et ouvertes à tous les habitants inscrits. Il s'agit de faire participer des citoyens aux commissions thématiques mise en place par le Conseil Municipal en y incluant des citoyens non élus, qui s’inscrivent en début de mandat et pour toute sa durée. Elles n’ont qu’un avis consultatif.

  2. Conseil participatif : Créé chaque fois que la municipalité met un projet à son agenda et / ou qu'une idée, une préoccupation, une question provient des citoyens. Pour constituer un collège représentatif de la diversité de la population, elle est partagée en trois : 40% des places réservées aux personnes volontaires, 20% à celles directement concernées par le projet, 40% sont tirées au sort. Ce conseil débute toujours par un temps de formation pour que chacun ait les mêmes références (vocabulaire, périmètre des décisions du conseil, bases, contraintes, …).

  3. Journal Municipal : Faire un journal qui interroge, rend compte, analyse, valorise, ouvre des débats, partage les difficultés, invite et propose. Utiliser le journal municipal comme un support du débat, voire donner la possibilité aux lecteurs de faire des suggestions.

  4. Bilan annuel et/ou de mi-mandat : L’équipe municipale fait un bilan de ses réalisations, notamment vis-à-vis de son programme électoral, et partage avec le plus grand nombre les choix, priorités, contraintes, .. qui y ont prévalus.

  5. L'Assemblée Locale (ou Jury Citoyen) : Elle est utilisé lorsque, pour une problématique/question donnée, il est estimé que la consultation de l'ensemble des électeurs n'est pas une échelle pertinente, mais qu'une proportion d'entre eux suffit. Les membres de l'Assemblée Locale ou Jury Citoyen sont convoqués par tirage au sort sur les listes électorales.

La proportion […] est de 3% du corps électoral; Une documentation susceptible d'aider l'assemblée à rendre un avis ou à donner une orientation, est préparée par la commune . Cette documentation est issue du travail des services municipaux et/ou du Conseil Municipal et/ou celui des comités ou commissions. L'Assemblée Locale ou Jury Citoyen délibère, vote, et rend son avis sur la question précise pour laquelle cette proposition d'électeurs est convoquée.

… et bien d’autres possibilités selon la structure (quartier, commune, agglomération/métropole, département) concernée.

En conclusion

Pour paraphraser l’expression bien connue : la politique est une chose trop importante pour la laisser, le jour du vote passé, (seulement) aux élus. Il faut que les citoyens s’engagent en démocratie comme ils s’engagent dans une association caritative, par don de soi pour être acteur de la bonne vie de la communauté.

Nos quartiers, nos communes, nos agglomérations/métropoles, nos départements ont besoin de la participation active de leurs concitoyens afin de ne plus avoir une démocratie à sens unique (de l’élu vers le citoyen) mais à double sens entre citoyens et élus, tout au long de chaque mandature. Le contrôle total des élus sur la vie démocratique, hors période électorale (et même là !), de nos communautés n’est plus possible.

C’est donc, en premier lieu, aux élus d’initier ce réapprentissage de la vie démocratique, au risque, sinon, de continuer à perdre de leur crédibilité et d’installer définitivement le « mal être démocratique », chemin direct vers le populisme et la démocrature.

Pascal GOURSAUD

Sources : • Association Empreintes Citoyennes • « Guide pratique pour oser s'impliquer dans la vie politique locale », Edition 2020, de Christian Proust, Éditeur : Rue Echiquier • « Des Communes et des Citoyens », de Y. Lubraneski F. Lacroix D. Cueff J. Perdrix A. Lamour, Éditeur : Bookelis